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05 septembre 2005

Le Biodiesel, dossier: partie 1 - suite "s'approvisionner"


CHAPITRE 1

S’approvisionner en biodiesel

PREMIÈRE SOLUTION

On la retrouve souvent sur le ouèbe et dans les médias, acheter des bouteilles d’huile de cuisine et les verser dans le réservoir. Effectivement ça fonctionne très bien, et bien sûr vous polluez moins en roulant. Quant au prix, il est plus avantageux que le gasoil, car il est possible de trouver de l’huile dans les supermarchés discounts aux alentours de 0,80 € le litre. Jusqu’ici tout va bien, ces trois premiers arguments sont vrais. Sauf qu’il existe deux problèmes :

1) Imaginons que vous décidiez de rouler à 50 % d’huile. A chaque plein il faudra vous coltiner vos vingt bouteilles d’huile. Autant dire que vous en aurez vite marre. En plus, imaginez la tête de la caissière quand elle vous verra arriver avec votre caddy rempli à ras bord d’huile alimentaire. Ensuite il vous faudra verser une à une les bouteilles dans votre réservoir, ce qui n’est pas très pratique.

2) Ce procédé n’est absolument pas écologique, bien au contraire. Si vous pensez que verser quelques bouteilles d’huile dans votre réservoir est un geste citoyen [comme le disent nombre d’écolos], c’est une grave erreur car l’emballage de ce produit est en matière plastique. Donc, oui, vous polluerez moins en roulant, mais le conditionnement issu du pétrole qui a déjà provoqué de la pollution lors de son élaboration, vous reviendra dans les bronches lors de son incinération. On est donc loin des principes élémentaires de l’écologie et du développement durable.

Cette solution n’est utile que pour faire des démonstrations. Si vous êtes pris au dépourvu et que vous voulez convaincre un septique qu’un moteur diesel peut fonctionner à l’huile, achetez une bouteille à l’épicerie du coin et versez là dans votre réservoir sous les yeux médusés de votre auditoire. Néanmoins, si vous êtes beaucoup à vouloir utiliser cette solution pour remplacer totalement le gasoil, merci de me prévenir, j’achèterai immédiatement un bon paquet d’actions chez Lesieur, histoire de me familiariser avec le capitalisme.

DEUXIÈME SOLUTION

C’est à peu prêt la même que la première, sauf que dans ce cas on a recours à de l’huile conditionnée pour répondre aux besoins des collectivités - souvent en bidon de 25 litres. Même motif, même punition, car l’emballage, cette fois-ci en métal, est difficilement recyclable. De plus, cette huile est de qualité supérieure et son prix se situe autour des 1,5 € le litre, ce qui est plus cher que le gasoil. En résumé, bien que moins désastreuse que la précédente, cette solution est loin d’être la panacée.

TROISIÈME SOLUTION

Si vous avez la chance d’avoir un revenu qui vous permet de vivre convenablement, merci d’utiliser cette solution et de laisser celle à venir pour ceux qui en ont vraiment besoin, car le plan est limité au niveau de la quantité.

Au lieu d’aller faire le plein chez les pétroliers qui mettent la planète à feu et à sang, allez donc le faire chez les agriculteurs. C’est aussi une bonne occasion de s’approvisionner en produits frais. Ça peut faire sourire dans les grandes villes, mais il n’en reste pas moins qu’en allant faire le plein de biodiesel, par cheu nous, comme on dit dans le Berry, on en profite pour acheter quelques fromages et des œufs frais. Si vous faites vos comptes, vous vous apercevrez qu’avec les économies de carburant réalisées, on peut en profiter pour s’acheter de bons produits sains issus de l’agriculture responsable. Mais après tout, chacun voit midi à sa porte, si vous préférez le fromage chimique en portions individuelles et les œufs de gallinacés élevés en batterie loin du soleil et bourrés de médicaments, c’est votre droit le plus strict... Mais ceci est un autre dossier.

Pour se fournir, il existe deux possibilités : La première, très économique, consiste à acheter l’huile non filtrée - vous verrez comment le faire vous-même plus bas. La seconde, quant à elle consiste à acheter l’huile prête à l’emploi. Sachez qu’en cherchant un petit peu sur le ouèbe, vous trouverez facilement des adresses d’agriculteurs ou d’associations. Il en existe plusieurs par région, toute la France est couverte. Rouler à l’huile, c’est avant tout savoir s’organiser. Selon les cas de figure, il existe plusieurs possibilités. Mais avant tout, il vous faudra vous équiper d’un accessoire indispensable : le jerricane (plusieurs de contenance 20 litres, c’est l’idéal).

La meilleure formule consiste à se grouper. Essayez de trouver une bonne dizaine de personnes autour de vous afin de passer une commande collective. A ce moment là, il existe plusieurs associations équipées d’un pressoir mobile. Elles se déplacent chez vous et vous pressent la quantité d’huile voulue, que vous pourrez ensuite stocker pour tenir quelques mois. En procédant ainsi, vous achèterez votre carburant à des prix défiant toute concurrence. Selon le nombre que vous êtes, le prix variera d’une fourchette de 0,35 € à 0,45 € par litre. Par contre, il vous faudra filtrer l’huile vous-même. A noter que si vous avez du terrain, récupérer une citerne peut s’avérer être un choix judicieux.

Il existe aussi des agriculteurs qui vous proposent d’acheter les graines de colza ou de tournesol et de s’occuper de la culture et de la récolte. A votre charge ensuite de faire presser l’huile et de vendre le tourteau. C’est de loin la solution la plus économique, qui fonctionne très bien dans le cadre d’un collectif. L’indépendance énergétique vis-à-vis du grand capital demande un petit peu d’investissement personnel, mais vu l’enjeu politique et écologique, ça vaut vraiment le coup d’y consacrer quelques heures par an. Après tout, être responsable c’est savoir se prendre en charge.

Vous avez aussi la possibilité de vous rendre directement chez le producteur et de remplir votre coffre et, si possible, une remorque. Selon la quantité achetée et selon que l’huile soit filtrée ou non, le tarif ira de 0,48 € à 0,80 € le litre.

QUATRIÉME SOLUTION

Cette solution consiste à utiliser de l’huile usagée. Elle n’est pas moins bonne que l’huile neuve, bien au contraire, car son oxydation garantie une meilleure combustion. Là aussi il faudra vous munir de jerricanes, mais aussi d’un entonnoir pour pouvoir transvaser l’huile dedans.

Il existe plusieurs moyens de s’approvisionner. Le plus classique étant de faire le tour des kebabs et restaurants chinois qui se feront un plaisir de vous donner leur huile car ils sont obligés de payer et de se déplacer pour s’en débarrasser. Vous pouvez aussi essayer avec les collectivités et les décharges de tri sélectif. En cas de refus hésitant, une bonne bouteille de vin savamment proposée peut servir de monnaie d’échange, ainsi que tout autre troc ou échange de service. Sinon, sans vouloir donner de mauvais conseils, en cas de force majeure, il y a toujours moyen d’enjamber un grillage pour aller chercher l’objet de vos convoitises contenu dans des bidons en plastique bleu. Dès que vous aurez fini votre récolte, il ne vous restera plus qu’à filtrer l’huile afin de pouvoir rouler ou de vous chauffer.

[NGSV : Sur les conseils d’Alain Juste, de l’IFHVP, il faut filtrer l’huile, de récup ou achetée dans le commerce avec un filtre à 2 microns, et non 5 comme indiqué précédemmment. A 5 microns, les risques d’encrassement du moteur restent importants]

Outre le fait que ce procédé vous permet de vous fournir gratuitement, il est doublement écologique. La première raison étant bien sûr que vous êtes jusqu’à 70% moins polluant qu’avec du gasoil ou du pétrole classique, on ne le dira jamais assez. La seconde c’est qu’en France le recyclage des déchets est une vaste fumisterie mise en place sans réelle volonté politique afin de faire croire au citoyen que l’on se préoccupe de son cadre de vie, alors que seul un infime pourcentage de ce que nous jetons trouve une seconde vie. L’huile usagée n’échappe pas à cet état de fait, la plupart du temps, elle finit brûlée dans un incinérateur. Fort de ce constat, autant qu’elle serve aux plus démunis, comme ça au moins, elle ne brûlera pas pour rien.

A noter qu’avec l’huile récoltée dans les kebabs, vous aurez une perte d’environ 30% lors du pré-filtrage, car cette dernière est très souvent coupée à l’huile de palme qui, une fois qu’elle a été chauffée à haute température, forme une pâte inutilisable comme carburant que vous récupérerez dans votre station de filtrage. Au niveau qualité et quantité, le meilleur plan c’est les restaurants chinois, car ils font énormément de friture et utilisent exclusivement de l’huile de tournesol ou de colza. C’est aussi une bonne occasion de savoir où manger. La qualité de l’huile récoltée vous en dira long sur la rigueur des établissements où vous vous fournissez. Pourquoi ne pas en profiter pour faire le guide des meilleurs kebabs de votre région ? Ça serait plus utile que le guide Michelin, car tout le monde n’a pas les moyens de se taper la cloche dans un trois étoiles.

ASTUCES

En cas de galère pécuniaire, vous pouvez vous dépanner aussi avec le pétrole vendu en grande surface pour les chauffages. Il est moins taxé que le gasoil et fonctionne à merveille dans les moteurs diesel. Comptez environ 0,30 € de moins par litre. Il n’y a pas d’intérêt écologique majeur, mais ça peut rendre service.

Pensez aussi à recycler votre huile. Au lieu de jeter votre huile de friture dans le lavabo, filtrez-là et mettez-là dans votre réservoir. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est toujours un geste pour l’environnement.

LA FILTRATION PAR GRAVITATION

Voici la photo d’une station de filtrage facile à installer chez vous. Elle permet de filtrer 15 litres d’huile par nuit. Il ne s’agit pas d’un montage théorique, mais d’un dispositif fonctionnel qui permet d’alimenter plusieurs véhicules en carburant. Cela fait plusieurs mois qu’elle est en service et aucun incident technique n’est à signaler. Si je puis dire, ce plan est bien huilé.

Le 1 est un cadre en plastique, qui peut aussi être fait en bois, sur lequel on a placé une étoffe. Un bout de vieux drap, un vieux tee-shirt... font l’affaire. C’est ici que l’on verse l’huile pour effectuer une pré-filtration. Après filtrage vous n’aurez plus qu’à récupérer le dépôt et à le jeter. Il est biodégradable.

Le 2 est une surface plane percée de trous pour répartir l’huile pré-filtrée dans les filtres. Voir deuxième photo ci-dessous avec le zoom sur cette zone.

Le 3 c’est des bouteilles de lait en matière plastique de forme carrée dont on a coupé le fond. Elles sont fixées de manière très compacte de façon à bien récupérer toute l’huile, c’est très important. Des filtres à café sont fixés avec des gros élastiques, ou bien une bague plastique, sur le goulot de chaque bouteille. C’est l’étape de la filtration proprement dite. Les filtres à café filtrent à cinq microns, ce qui correspond aux performances des filtres à gasoil qui laissent passer tout ce qui est en dessous de cette taille. Donc pas la peine de filtrer plus fin, avec cette taille on est au même niveau de finesse que le diesel classique. Si jamais il y a quelques crasses qui restent, votre filtre à gasoil se chargera de les retenir. A savoir aussi que l’on peut commander du tissu filtrant sur le ouèbe. Il vous en coûtera de 5 € à 8 € pour un bout de 1m x 1,30 m. Il filtre de à 1 à 5 micron selon modèle. Dans ce cas, c’est plus simple, au lieu de s’embêter avec les filtres à café et les bouteilles, on place juste le tissu filtrant selon le même schéma que celui relatif à la pré-filtration. C’est la solution que nous préconisons, d’autant plus que tissu filtrant à une bonne longévité. Il suffit de le rincer à l’eau après utilisation et de le remettre en service. Les filtres à café, quant à eux doivent être remplacés après chaque filtration.

[NGSV : Rappel Sur les conseils d’Alain Juste, de l’IFHVP, il faut filtrer l’huile, de récup ou achetée dans le commerce avec un filtre à 2 microns, et non 5 comme indiqué précédemmment. A 5 microns, les risques d’encrassement du moteur restent trop importants]

Le 4 est un collecteur identique au point numéro 2 en bas duquel on a fixé un sac poubelle percé en son fond pour servir d’entonnoir afin que l’huile filtrée arrive dans le jerricane.

Le 5 c’est le jerricane où tombe votre huile filtrée prête à l’emploi. Just enjoy.

LA FILTRATION SOUS PRESSION

Sachez encore, que si vous avez un bas de laine, ou bien si vous avez la possibilité de vous regrouper, qu’il existe plusieurs firmes allemandes qui proposent des filtreurs sous pression qui permettent d’aller beaucoup plus vite dans le processus de filtration. Cela va du petit modèle qui tient dans votre coffre à brancher sur l’allume-cigare qui permet de fabriquer son carburant en roulant, jusqu’au gros modèle qui permet de filtrer des centaines de litres par jour. Pas question de faire de la pub pour une firme ou une autre dans ce dossier. Si vous êtes intéressé par ce concept, vous trouverez facilement des adresses en effectuant une recherche sur internet.

CONCLUSION

Comme vous pouvez le constater, l’utilisation du biodiesel écologique et économique demande un peu d’astuce, mais c’est ce qui en fait tout le charme. Surtout, n’hésitez pas à adapter les méthodes évoquées dans ce chapitre à vos besoins. Vous pouvez bien sûr les perfectionner, auquel cas il serait sympa d’en faire profiter les autres. Voilà, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne pêche à l’huile.

Prochain chapitre :

Une dernière astuce pour finir, un modèle de station service underground. Ça ne vous donne pas une idée ? Allez, un p’tit effort... Ben oui, des pompes à biodiesel autogérées, pardi ! Comme le dit si bien un pétrolier connu dans une de ses publicités, à qui je renvoie la monnaie de sa pièce, après ce dossier vous ne viendrez plus chez nous pas hasard.

La révolution du carburant libre est en marche

Les photos et illustrations sont de Matt Lechien

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